mise à jour : 25/03/2024
texte de Jacques Py
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texte de madé
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En janvier 2008 au Collège Albert Camus d'Auxerre, à l'occasion de l'exposition de madé qui accompagne l'installation définitive de son œuvre Les Pléiades dans les halls de l'établissement, le Centre d'art de l'Yonne édite le 18eme numéro de sa collection "Petit Cahier" à destination de l'ensemble des personnels et des élèves du collège.
Pour présenter l'artiste et répondre aux questions que ne manque jamais de soulever une œuvre d'art, ce livret se propose d'offrir quelques clés d'approche et de compréhension de l'œuvre de madé, réalisée dans le cadre d'une commande publique de "1%"
Le 1%, une commande publique au collège
"Le 1% artistique" est une procédure de commande publique dont le montant correspond précisément à 1% du coût des travaux du bâtiment dans lequel l'œuvre d'un artiste sélectionné par une commission, sera installée de façon définitive. Le but de cette opération définie par une loi de 1951 est de favoriser la rencontre du public avec l'art contemporain. Des représentants du Conseil Général de l'Yonne qui a financé la réhabilitation du Collège, des personnels du Collège et l'architecte se sont réunis pour sélectionner parmi des dossiers, l'artiste dont la démarche aura le plus de sens dans le contexte architectural du bâtiment. Les utilisateurs du collège, Isabelle Bauny, l'architecte et madé, l'artiste sélectionnée, ont alors recherché différents emplacements disponibles pour créer une œuvre que l'artiste a présentée ensuite sous la forme d'une maquette. Les problèmes techniques et de sécurité ont été étudiés avant la réalisation et l'accrochage des œuvres qui a été fait avec l'aide des personnels du collège, puis inaugurées officiellement en janvier 2008.
L'artiste
madé est une artiste installée dans l'Yonne à Champlay, près de Joigny, depuis plusieurs années. Elle vit dans une maison qu'elle a entièrement organisée en fonction de son travail de création. Son atelier se compose d'une pièce pour étudier ses projets, une autre pour fabriquer ses œuvres à partir de panneaux de particules de bois compressé (mdf ou médium) qu'elle découpe et assemble, un autre espace est réservé à la peinture et enfin, à l'étage, une salle toute blanche lui permet d'accrocher ses œuvres pour en apprécier avec recul le résultat. Chaque œuvre, pour des contraintes de fabrication, s'inscrit dans un temps de travail associé à un lieu précis.
L'architecte et l'artiste, une collaboration
Madame Bauny, l'architecte qui a repensé, transformé et créé de nouveaux espaces lors de la rénovation du collège Albert Camus, a souhaité des lieux lumineux et colorés. Un quadrillage de fenêtres aux verres bleus, oranges ou violets animent les façades des bâtiments et de grandes baies inondent les halls d'accueil d'éclats de couleurs, variables suivant les moments de la journée et de l'année. Cette ambiance très affirmée de couleurs s'oppose aux motifs gris clair et gris sombre du sol et joue sur les volumes des espaces internes du collège. L'entente immédiate avec l'artiste s'est faite sur une sensibilité commune aux problèmes de lumières et couleurs liés aux questions de plans et de volumes des espaces. Les parti pris de l'une ne devaient pas nuire aux intentions de l'autre, ici, l'affirmation radicale de l'architecte ne s'opposait pas à la discrétion de l'œuvre de madé. Un contraste entre l'effet tranchant des lumières colorées et les diffusions subtiles des nuances monochromes du peintre affirme plutôt leur complémentarité.
Une constellation pour une seule œuvre
Dans la mythologie grecque, "Les Pléiades" désignent les sept filles d'Atlas que Zeus métamorphosa en étoiles pour les soustraire aux poursuites d'Orion. En référence à une constellation qui portent désormais leur nom, madé a choisi ce titre pour son œuvre dont les sept éléments qui la constituent sont disséminés dans les deux halls de l'établissement scolaire. Au XVIeme "La Pléiade" était également un groupe de sept poètes réunis autour de Pierre Ronsard et Joachim Du Bellay qui, en écrivant "Le Manifeste de défense et d'illustration de la langue française", défendirent la poésie et la littérature dans l'esprit des œuvres lyriques de l'Antiquité. Par ce titre qui évoque l'astronomie, la culture classique et la poésie, tous ces sujets qui passionnent l'artiste, madé affirme son engagement dans la création contemporaine comme une filiation naturelle avec l'histoire des sciences et l'histoire des arts.
Une couleur unie n'est pas monochrome !
Un artiste peintre est soucieux de nous faire apparaître que les pigments de couleur ont tous des qualités différentes d'intensité, de rayonnement, de transparence ou d'opacité. Au-delà de leur aspect monochrome, madé s'attache dans ses œuvres à mettre ces qualités en "lumière". Suivant l'intensité lumineuse des divers moments de la journée, les éclairages sur ses œuvres révèlent de subtiles nuances dans ses couleurs issues de multiples couches superposées et de leur lustrage. Dans le hall du collège, les quatre peintures, noires seulement en apparence, sont en réalité proches d'un gris analogue à celui des carreaux de céramique posés au sol. Mais suivant l'incidence de la lumière les sous-couches de vert viennent enrichir la perception de ce gris, dont la composition est plus complexe qu'il n'y paraît à première vue.
Le blanc, la lumière et la réverbération
Une couleur ne se limite pas à des qualités de matière (matité, brillance, opacité, transparence, granuleux, lisse...) elle a aussi un pouvoir de rayonnement plus ou moins intense qui peut s'observer, en particulier, lorsqu'elle est à proximité d'une surface blanche, celle-ci alors se teinte par réverbération. Dissimulé au regard, la couleur verte passée au dos des angles des panneaux, se révèle toutefois par projection sur le mur qui les supporte. L'artiste ne limite donc pas son œuvre à un support qu'elle a façonné et peint, la surface d'accrochage participe aussi à la réalisation de sa peinture en en dévoilant les parties masquées. Cette couleur qui se soustrait aux codes traditionnels de perception désigne d'autant mieux la couleur qu'elle la cache, comme une invitation à approcher une œuvre au-delà de ses aspects superficiels.
Nb: les angles des pages du Petit Cahier ont été imprimés en vert afin de pouvoir expérimenter la diffusion de cette couleur lorsque l'on rapproche les pages du livret.
Le volume de la peinture
Lorsqu'elle est associée à la notion de tableau, la peinture est souvent uniquement pensée comme une surface plane. Les panneaux que madé peint se distinguent par une épaisseur, des reliefs et des surfaces décalées par rapport au mur. Ses œuvres apparaissent comme des bas-reliefs, cependant il ne s'agit pas de sculpture. madé parle plus volontiers de peinture en volume, c'est-à-dire qu'elle reste profondément attachée à penser sa démarche au regard de la tradition picturale et non des problématiques de la sculpture. Comme une feuille de papier cornée à un angle, la surface d'un panneau est légèrement pliée car c'est un moyen pour elle plutôt de créer une nuance de teinte à sa couleur et non de créer un volume. Ici les épaisseurs, les chants en biais, les reliefs et les plis piègent la lumière afin de diversement qualifier une même couleur et créer des réverbérations.
Repères
C'est dans les esthétiques de l'abstraction et du minimalisme américain que madé installe ses recherches en imaginant comment poursuivre l'aventure de l'art tout en inventant son propre itinéraire.
Des institutions ont acquis des œuvres de madé : le Fonds National d'Art Contemporain, le Fonds Régional d'Art Contemporain de Bourgogne, l'artothèque d'Auxerre, le ministère de la Culture de Rhénanie Palatinat et la Sparkassenakademie de Budenheim (DE).
Des œuvres sont visibles au musée de la ville de Cambrai (donations André Le Bozec et Éva Maria Fruhtrunk), au musée des Ursulines de Mâcon (acquisition et donation Repères), au musée de Tomé au Japon (donation Satoru Sato).
Les œuvres de madé sont diffusées par la galerie Fanal sur les foires d'Art Paris et Art Basel.
remerciements
Le Centre d'art de l'Yonne et l'artiste remercient tout particulièrement :
Le Conseil Général de l'Yonne et ses services techniques,
Isabelle Bauny, architecte DPLG, Yves Nicolle, ancien Principal du Collège,
Madame Babic, Principale et Aline Isoard, Professeur d'Arts plastiques et les personnels techniques du Collège Albert Camus.
Le Centre d'art de l'Yonne reçoit les soutiens financiers du Conseil Général de l'Yonne, du Conseil régional de Bourgogne, délégation aux Arts plastiques, ministère de la Culture et de la Communication.
Jacques Py
directeur du Centre d'art de l'Yonne
Petit Cahier n°18, janvier 2008
Édition du service culturel,
Centre d'art de l'Yonne
L’autel, c’est une histoire de rencontres, de regards et de recherche de sens. Un antiquaire vend sa maison à M. Colinot. Il reste dans le jardin quelques cailloux. M. Colinot sait la passion de l’abbé Merlange pour les pierres et lui offre la clé de voûte pour créer un autel. L’abbé Merlange fait le chemin de mon atelier, découvre mon travail et me propose le projet. Moi, je réfléchis, me documente et un jour, je l’accepte.
Créer un autel dans un lieu chargé d’histoire ne va pas de soi. Un autel, par sa seule présence, doit être clairement identifié comme un lieu sacré : c’est la table du Seigneur. Or l’eucharistie est la deuxième partie de la messe. Elle est précédée par la lecture des textes et l’homélie qui se disent depuis l’ambon, lieu de la Parole. Sans le célébrant, image du Christ dans l’assemblée, la messe n’existe pas. Le célébrant a un siège dit lieu de Présidence. Ces trois lieux sont indissociables et font sens.
J’ai donc été amenée à créer des maquettes de l’autel, de l’ambon et du siège, travail tout en tâtonnements, en hésitations, qui s’est développé dans la durée, donnant le temps de l’appropriation à chacun. Le choix de la pierre massive, de couleur claire en dialogue avec la lumière du lieu s’est imposé. Celui aussi de formes simples et de même famille. Il arrive un moment où tout se cale et le moindre changement n’est plus possible ou alors, c’est un autre projet. Ce projet-ci a été accepté par la Commission d’Art Sacré et ne travaillant pas moi-même la pierre, la réalisation en a été confiée à l’entreprise Scandola après appel d’offres.
Par souci d’ordre et d’unité, le siège des servants et le candélabre, simple sphère en écho avec la cavité circulaire de l’autel et symbole de l’univers portant la lumière de la Résurrection, ont été créés dans le même matériau et placés sur la même ligne. La clé de voûte représentant l’Agneau Pascal avec une croix est en lien avec celui de l’autel historique dont le tabernacle est toujours en service, en lien aussi avec un artiste qui l’a sculptée pour les assemblées d’une église inconnue.
Ici, elle revit.
madé
Champlay, septembre 2006